Enigme et secrets

Relyss se dégagea de sa prise, envoyant valdinguer son verre par la même occasion.

Il y eut une seconde de battement pendant laquelle elle le fixa avec animosité. Puis elle reprit son attitude indifférente.

" Non merci, ça ira... "

"Les nerfs quelque peu à fleur de peau..."

constata-t-il avec moquerie.

"Tu comptes gâcher le reste de ta vie en t'offrant cette corvée ? Voir jour après jour le meurtrier de ta famille ?"

" Qui te dit que je me gache la vie comme ça ? Et puis de toute façon, ça ne regarde que moi ... " répondit elle doucement.

Il s'approcha d'elle mais garda une distance de courtoisie :

"En effet, tu as l'air de quelqu'un de très épanoui..."

" Je te retourne le compliment " fit elle en observant le verre brisé au sol. " Ton entreprise de sadisme marche plutôt bien ... et ça te rend heureux ... "

Elle se mit à jouer machinalement à jouer avec les lacets de son corset et fixait le comptoir d'un regard vide.

Linéar eut un regard vers le corset, mais il remonta bientôt ses yeux sur le visage de sa jeune fille :

"Trouves-tu cela dérangeant, tu aimerais y remédier ?"

" Oui... " avoua Relyss. " Je ne comprends pas comment on peut tirer un bonheur quelconque du malheur d'autrui... "

"Disons que c'est plutôt une harmonisation du système : bonheur et malheur s'anhile l'un l'autre, laissant un néant reposant et mélodieux... Ce qui est plus supportable que le chaos créée par deux bonheurs battant à l'unisson..."

dit-il...

" Alors si on annihile ton bonheur en créant ton malheur... il n'en restera rien qu'un néant reposant et mélodieux ... " conclut Relyss, une lueur étrange dans le regard.

"Faudrait-il encore qu'en contre-partie de ce malheur... Je rende quelqu'un heureux..."

dit-il, son regard s'intensifiant à son tour.

"Mais qu'est-ce qui pourrait me rendre vraiment malheureux... Mmh ?"

" La question que je me pose réellement c'est : existe t-il vraiment quelque chose qui pourrait te rendre malheureux ? "

Elle se pencha légèrement vers lui et ses lèvres touchèrent presque les siennes.

" Mais je veux bien prendre le pari... " murmura t elle avant de se redresser, le regard ardent.

Il frémit un peu quand elle le frôla de cette manière, et il sourit :

"Prends garde seulement à ce que les rôles ne s'inversent pas en cours de route..."

murmura-t-il doucement. Avec une pointe de fourberie.

"De toute façon, tu me causes déjà quelques désagréments en relevant le défi d'Anatème..."

avoua-t-il d'une voix suave.

" Mais ça ne sera pas suffisant à mon goût... Décidemment, ça t'embête réellement que je risque ma peau à Eilean Dubh... ce que je ne comprends pas puisque tu n'as rien à cacher... " dit elle d'une voix veloutée.

" Tu ferais une très bonne sadique toi aussi... Si tu t'en donnais la peine..."

"Hé bien, je ne peux pas accorder un soupçon d'intérêt à ta personne de sorte de m'en inquiéter ? "

" Tu as survécu alors que je j'aurais dû te mettre dans cette cage... J'aurais dû t'infliger la Goutte Sélénite, mais je ne t'ai pas trouvée... Je ne me souvenais même pas que vous étiez trois frères et soeurs... C'est étonnant, je suis pourtant d'une nature curieuse, et je me targue de tout connaître de mes voisins..."

Il soupira, l'air amusé :

" Hé non... Tu m'es littéralement passée sous le nez... Finalement, c'est que tu ne devais déjà pas mourir à l'époque..."

"Et aujourd'hui, je ne vois pas de raisons particulières pour qu'il en soit autrement..."

" Ca m'étonne un peu quand même. J'aurai pensé que tu aurais voulu finir le travail. On ne laisse pas un chef d'oeuvre inachevé... "

Elle eut un sourire moqueur.

"Il faut toujours commencer par un brouillon..."

dit-il d'un ton faussement boudeur...

"Et je n'aurais pas eu le plaisir de t'entendre chanter... C'est un mal pour un bien..."

" Et bien, maintenant que c'est fait, plus rien ne te retient ! "

Elle glissa sa main sous sa jupe et en sortit un poignard d'argent qu'elle avait glissé à sa jarretière. Elle le saisit par la lame et le tendit à Linéar. Elle le mettait à l'épreuve...

"Hé..."

dit Linéar un peu taquin en ayant suivi le mouvement vers sa jupe :

"Ne me donne plus de fausse joir comme ça, tu es méchante... ^^ "

Il accepta le couteau, le prit en main et le jaugea...

"Joli..."

Il le fit siffler en coupant l'air de la lame...

"Plus rien ne me retient tu dis..."

répéta-t-il, la voix doucereuse et menaçante...

Il passa la pointe sous le menton de Relyss et releva son visage :

"Mais toi, qu'en penses-tu ?"

demanda-t-il avec un petit sourire...

" Je pense que tu ne le feras pas... " répondit Relyss, sûre d'elle.

Elle continuait de le défier du regard comme si elle voulait le pousser à commettre l'irréparable. Elle paraissait toujours aussi calme et stoïque.

En cas d'imprévu, elle avait toujours une dernière carte en main...

Linéar n'avait pas porté loin le coup, afin de pouvoir y remédier le cas contraire...

Mais... il devait avoué que s'il avait senti une entourloupe...

Il ne s'attendait pas à ça...

"Heu... Relyss ?"

Il posa le couteau sur le comptoir...

"Tu m'entends toujours ?"

Il tourna autour en la jaugeant :

"C'est un drôle de pouvoir que tu as là... Dis-donc, tu devais bien jubiler en attendant !"

Il lui toucha le bout du nez et tira dessus... Il lui vint dans la main avant de tomber en poussière de granulés dans le creux de sa paume...

Linéar prit quelques grains sur son doigt et les goûta à peine du bout de la langue :

"Salé... Statue de sel, comme dans la Bible..."

Il observa le visage de Relyss qui ressemblait à celui du Sphynx à présent, espérant que... le morceau qui était tombé pourrait se recoller...

C'est alors que devant ses yeux ébahis le reste de la statue s'effondra à ses pieds...

"... Relyss ?"

lança Linéar d'une voix assez faible...

Sur le coup, Linéar regarda le poignard, histoire de voir s'il n'était pas magique et s'il ne tuait pas les gens en les transformant en statue de sel... Mais il avait l'air banal ce couteau...

Il fit une tentative :

"Très amusant, Relyss, mais je sens encore ton esprit..."

Coup de bluff, il ne sentait rien.

"Mais je vais devoir te balayer si tu persèvères à salir mon doux parquet..."

Il y avait des moments de solitude comme ça...

"Rrrelyss !"

Linéar s'assit, il était à présent d'une très légère mauvaise humeur...

Ce qui était déjà trop pour lui....

Après encore quelques longues minutes d'attente, les morceaux brisés de la statue se recollèrent peu à peu d'eux-même et Relyss reprit sa forme originelle.

" Je t'ai manqué ? " demanda t elle, goguenarde.