Expédition minière tombale ...

A ce moment-là, un bruit caverneux et sourd surgit de la maisonnée du fossoyeur, comme d'une montagne millénaire, ce qui offrait un contraste saisissant... Magda faisait rouler devant elle une roue étrange, aux rayons remplis de mécanismes compliqués, elle pestait, mais elle ne pouvait pas utiliser l'alchimie ou même la magie pour la faire bouger : cet instrument était aussi fragile qu'un bloc de nitroglycérine...

Et elle devait s'y prendre avec on ne peut plus de prudence... Elle avança donc, en direction des deux Daemon, mais elle les ignora superbement l'espace d'un petit moment : elle n'avait pas encore digéré qu'ils la dérangent alors qu'elle était en train de battre son père au scrabble.


"Allons donc sur la tombe de ce zigoto, mes petits poulets... Et si vous ne répétez à personne que je vous ai appelés ainsi, je ne dirais pas à Dragon que vous êtes deux incapables..."

lança-t-elle d'une voix traînante et assez ironique : cela aussi, elle ne l'oubliait pas. Après tout, elle s'était bien crâmé les fesses pour avoir essayer d'approcher la tombe défendue, et elle acceptait mal que des êtres aussi puissants, dit-on, que les daemons puissent se défiler sans avoir même essayé.

Mais quoiqu'il en fut, il y aurait du spectacle ce soir...

" Justement, quand on parle du loup... " dit Lavernne en voyant Magda approcher.

Elle haussa un sourcil circonspect et elle jaugea la roue qu'elle apportait sous toutes les coutures. Un sourire amusé se dessinait sur ses lèvres mais on entrevoyait très nettement une pointe de doute dans ses yeux et même son sourire semblait ternie par cette incertitude.

" Qu'est-ce que tu nous as préparé là, ma Creverte ? " demanda t elle en se mettant à marcher à ses côtés.

Elle se cala sur le pas de Magda pour rester à sa hauteur mais à aucun moment, l'idée de lui filer un coup de main ne lui effleura l'esprit. Et puis sa suspicion semblait la tenir à l'écart de tout contact avec la roue. Elle espérait que ça ne soit pas un coup fourré de la fossoyeuse. Réaction purement instinctive : un esprit tordu se méfiait toujours d'un autre esprit tordu.

Ils avançaient doucement vers la tombe qui les intéressait. Sur le chemin, Lavernne observa les noms sur quelques pierres tombales, comme si elle cherchait des vieilles connaissances... ou d'anciennes victimes...

" C'est sympa ici... Ca me donne envie de m'acheter une maison de campagne... Un joli petit pied en terre... le décor est sympa, les voisins aussi... "

"Je vous ai préparé la clé de votre succès..."

expliqua Magda d'une voix qui se para d'accents pompeux, comme si elle croyait réellement à la magnificence de l'engin qu'elle trimballait sur le sol boueux.

Mais elle ne devait pas trop forcé sur l'ironie, ce n'était certes pas le moment de s'attirer la méfiance des deux daemons, aussi avançait-elle avec placidité, pour ne montrer aucun signe d'agitation ou de joie perverse... De la joie ? Mmmh...

"Tu t'ennuierais par ici, Lavernne, je te vois plutôt dans un immense château gothique à manger des tartines de rat le matin avant de prendre un bain à la violette, et prendre ta calèche pour le théâtre où tu retrouveras le fantôme de l'opérat..."

Ils arrivèrent devant la tombe du pauvre gus qui renfermait des minerais rares... Mais ils étaient postés à bien deux mètres d'elle, c'était la distance de sécurité minimale... Magda se mit à tripoter sa roue avec son air de fossoyeuse lymphatique, et elle dit :

"Vous êtes prêts ?"

Maxias n'avait rien dit de tout le chemin ... Il suivait en silence maudissant les ordres de son maître; il lui serait tellement plus simple de liquider la fille et de déclencher la fureur de la terre pour libérer la tombe du maléfice ... Mais non, il fallait faire selon les règles des humains et ça, Maxias ne le supportais pas ... Il n'avait jamais aimé devoir suivre quelqu'un, devoir en être dépendant ... Même les ordres de Dragon, il les contournait pour qu'ils présentent à ses yeux un intérêt direct ... Sans quoi, cela ne l'interessait pas ...

"Dépèche toi, si tu tiens à ta vie !" dit-il sans tenter de cacher son animosité ...

"Inutile d'être aussi pressé : tu n'as pas de coeur, tu ne devrais pas être soumis à des impulsions sans raison."

répondit-elle, d'une voix toujours plus lente, comme pour illustrer ses dires par le débit de sa bouche. La roue était placée devant elle, et Magda dissociait des rayons pour faire des embranchements bizarres, puis elle poussa brutalement le tout vers la tombe en restant accrochée à l'appareil : Un bouclier de feu se forma devant la pierre tombale, frappant de plein fouet la roue qui se mit à crépiter. Elle eut l'air un instant de condenser toute l'énergie, comme pour annuler le sceau, mais en réalité...

"Alerte ! Des intrus ! " lança Magda.

"Ce petit jeu commence à m'agacer ..."

Le ton de la voix de Maxias avait changé radicalement, comme si une autre personne était présente à sa place ... Ses yeux bleus fixaient la créatures tandis que son aura sinistre emplissait le lieu sans s'arreter ...

Il leva une main et un pétal de rose descendit de nulle part pour se changer en une immense faux rougeoyante ... Maxias la mania avec facilité, créant des cyclones tranchants autour de lui ...

Lavernne avait bien senti que Magda était louche... mais elle ne s'en était méfiée qu'à moitié. Pas plus que d'habitude en fait. Et finalement, la fossoyeuse leur avait joué un vieux coup de p***. La daemon eut tout juste le temps d'insulter copieusement la fossoyeuse pour cette fourberie.

Elle invoqua sa faux mais sans grande conviction que cela changerait grand chose. Elle sentait bien que ces flammes étaient d'un feu infernal. Contre la puissance de Perséphone, les Daemons ne pouvaient pas faire preuve d'une très grande force. Elle serra les dents à s'en faire exploser les mâchoires ce qui lui donnait un air encore plus furieux et effrayant que d'habitude.

" Arrête ça tout de suite, espèce de petite... perverse ! Je vais te faire bouffer tes maccabés ! "

Maxias recula d'un pas, reprenant peu à peu conscience ...

Il sentait une aura qu'il connaissait bien pour l'avoir ressentit en présence de son maître plusieurs fois ... Il révoqua son arme, pour éviter tout incident 'diplomatique' et attendit l'apparition de la 'Reine' ...

Ses yeux bleus fixaient les flammes en gardant tout de même un oeil sur Magda au cas où ... Il serra le poing en songeant à tous les débordements qui avaient déjà eu lieu pendant cette mission, redoutant que son maître ne perde patience à les attendre, car s'il lui arrivait souvent de faire plus que ce que son maître ordonnait, notamment pour son propre amusement, il mettait un point d'honneur à respecter l'ordre initial ...

Lavernne sentit également l'approche de la Reine des Enfers. Il était temps que ce petit jeu cesse. Elle était peut-être immunisée contre la lumière solaire et le châtiment des flammes, mais il ne fallait pas non plus abuser... Ils n'étaient que des Daemons, et en comparaison de la puissance divine de Perséphone, ils ne pourraient résister indéfiniment contre les flammes avant de finir en poulet rôti. Diantre ! Elle n'aurait pas eu le temps de faire l'amour une dernière fois avant...

* Purée, qu'elle se dépêche cette pouff, le cuir de mes fringues commence déjà à fondre *

Elle ne bougea pas d'une pouce, bien que les flammes bleutées ne soient qu'à quelques pas d'elle. Magda l'avait mise de travers et elle n'avait même pas envie de faire des ronds de jambes à la Déesse, aussi infernalement sexy soit elle. Et puis avec un peu de chance, la semelle de ses bottes aurait fondu et elle était accrochée au sol...

Une fulgurante source de flammes se hissa en une formidable ligne bleue, étincellante et tourbillonnante, des flammèches s'en échappaient pour tomber dans l'herbe où elles miroitaient un instant avant de se dissiper en une petite poussière légère.
L'image spectrale de la nymphe avait disparu, elle avait préféré fuir avant l'arrivée totale de sa sainte patronne. Le torrent prit une forme féminine, et les jets bleuâtres se fondirent une chevelure longue et ondulée, Perséphone prenait corps dans son apparence sans équivoque de reine des Enfers.

Toutes les flammes s'écartèrent pour disparaître, ne laissant que la déesse, flottante au dessus de la tombe. Elle promena son regard de glace sur ceux qui leur faisaient face, s'arrêtant un instant sur Magda qui resta silencieuse : car c'était ainsi que Perséphone la préférait, quand elle fermait sa bouche impie.

Elle jeta un oeil sur le sceau qui était toujours en place, et qui s'avérait le sien : bien, bien, bien...

"Les Daemons ne savent-ils pas lire ?"

demanda-t-elle, constatant que le sceau protecteur avait des instructions strictes et sans ambiguités.

"Pourrais-je donc savoir ai-je dû me déranger ?"

Elle ne souriait pas, mais au fond, elle devinait un peu l'étrangeté de la situation. Seulement, n'ayant aucune tendresse pour qui que ce soit, elle n'était pas disposée à fournir une aide active.

Maxias s'avança vers Perséphone .. Il tentait de ne faire rien transparaitre sur son visage, ce qui, en principe, devrait être facile pour un Daemon, mais Maxias était du genre à ressentir quelques sentiments primaires comme la jalousie, ou la rage ...

En l'occurence, il supportait mal de devoir "s'écraser", fut-ce devant la Reine des Enfers, et épouse de son Seigneur ...

Néanmoins, connaissant sa place, il s'agenouilla et entreprit de répondre à la Déesse Infernale ...

"Peu importe les instructions de ce Sceau, seuls comptent les ordres du Maître ... Il a demandé à récupérer le gisment de minerai qui se trouve sous cette tombe que vous semblez protéger ... Nous vous demandons d'apporter votre concours à l'éxecution des ordres du Maître ..."

Lavernne ne bougea pas d'une pouce. Elle croisa les bras en soupirant d'un air ennuyé et impatient. Toutes ces formalités étaient d'un ennui mortel et de voir Maxias se plier à ces règles l'exaspérait profondément. Ils avaient déjà perdu assez de temps avec cette petite grue de Magda sans qu'il ne faille lécher les bottes de Perséphone en plus de cela.

Elle toisa la déesse d'un regard froid et fit à l'attention de son comparse daemon :

" Tu as oublié de dire "S'il te plaît..."... "

Sa voix était empreinte de cynisme. A l'inverse de Maxias, Lavernne refusait d'occuper la place hierarchique de subalterne, de sous-fifre, qu'on lui imposait. Offrir son coeur et devenir Daemon, ça, elle l'avait choisi. Mais de minauder devant une soit disant souveraine infernale ne lui plaisait guère et elle le montrait.

"Sil vous plaît..."

corrigea Perséphone d'un ton tout à fait neutre. Mais ses larges yeux baignant d'ombres observaient à présent la Daemon. Si Maxias avait eu une attitude convenable, quoique résolument soumise et peu excitante -Persé, un brin sado ? Nooon- sa comparse avait eu le don de faire voler en éclats tout ce qu'il avait pu dire.
Ainsi, Perséphone avait-elle envie de jouer sur les mots, l'esprit grand ouvert, elle lisait dans les pensées de Magda : le sceau avait été posé d'après la volonté même de Dragon, on en venait à un cercle vicieux à deux balles.

De toute façon, il était évident que les Daemons devaient avoir accès à la tombe, mais avant cela il restait un point à régler :

"Hé bien, la semi-vampire, semi-rien du tout, as-tu quelque chose à dire ? Et de transcendant, de surcroît ?"

Perséphone l'invitait à parler, mais il valait mieux que Lavernne tourne cette fois sa langue dans sa bouche avant de répondre.

Lavernne ne retint pas une légère expression de surprise. Elle ne dura que quelques secondes, le temps de retrouver une mine froide et austère. Mais elle semblait étonnée que Perséphone lui réponde avec autant de verve. Allait-elle lui répondre et risquer sa peau ou bien faire preuve d'un peu plus de respect ? Il ne lui fallut qu'un millième de seconde pour peser le pour et le contre... Elle avait été piquée au vif : on l'invitait à répliquer et répliquer, Lavernne adorait ça. Si elle flaira le danger de réagir impulsivement cette fois-ci, elle ignora l'avertissement...

Elle fit quelques pas vers Perséphone, le menton haut et l'air arrogant. Elle n'avait pas besoin d'ouvrir la bouche pour montrer qu'elle défiait la déesse. Elle jeta un coup d'oeil aux autres protagonistes, comme pour s'assurer qu'ils étaient tous bien attentifs à ce qui allait se passer. Une deuxième fois, elle ignora la petite voix qui lui criait sans sa tête de faire très attention à ce qu'elle allait dire ou faire.

" On perd du temps avec tous ces simagrés... Ca ne sert donc qu'à ça de possèder un coeur, même un coeur divin ? Se gonfler d'orgueil quand quelqu'un vous cire les bottes comme un bon toutou ? "

Les bras toujours croisés, elle fixait Perséphone d'un air de défi.

" Vous savez quoi... Ca ne m'étonne pas que Dragon vous ait 'larguée'... "

Cette réplique fut suivie d'un rire narquois. Vraiment, Lavernne ne se doutait pas de ce qui pouvait lui pendre au nez en adoptant une telle attitude.

Petit instant de musique intérieure !

* Tais-toi mon coeur... Je ne te reconnais pas... Tais-toi mon coeur.... J'ne te reconnais pas... *

Lavernne venait de faire le pire faux pas de sa vie.

* Elle m'a mis cette espèce de saleté de chanson de m*rde dans la tête... *

Déjà pour commencer, Perséphone venait de recevoir une attaque qu'elle n'aimait guère, celle qui portait à l'intégrité de son être : Hé bien quoi ? Qu'est-ce qu'il avait son divin coeur ?! Les daemon pouvaient être pires que des mortels. Ce n'est pas le coeur que Dragon devrait leur prélevait mais le cerveau, là où siégent l'ironie et la duplicité.

La phrase finale de Lavernne, sans réellement alarmée Perséphone qui de toute façon avait pris l'habitude de coucher seule dans un grand lit froid sans son "homme", ou avec ses nymphettes qui la "consolaient" (Gné ?), avait tout de même quelque chose de franchement insultant, et qu'on ne pouvait laisser passer.

"Lavernne Hopkins..."

commença Perséphone, et elle s'éleva dans les airs.

"Tu possèdes un manque que les autres Daemon n'ont pas, très chère... Et je vais te montrer très bientôt à quel point ta vanité te tient dans l'erreur : tu n'as pas de coeur, soit. Tu l'as donné, jeté aux néant, et tu en nourris une fierté certaine. Mais sais-tu qu'il existe quelque chose de pire qu'un coeur ? Quelque chose qui te désavantage, car à l'inverse des autres Daemon, tu ne l'as pas. Et si eux ont su composer avec car ils la possèdaient dès la naissance, toi tu ne supporteras son éclat ! Et si tu ne l'as pas, c'est parce que tu es née à demi-vampire... Mais moi, j'ai le pouvoir de t'en procurer une. Alors je te le dis... Cette chose, plus terrible qu'un coeur, qui te plongera dans les tourments, qui te fera renaître comme jamais tu n'as respiré l'air de l'aurore, cette chose, c'est l'ÂME !"

Et ses cheveux tourbillonèrent autour d'elle, le décor noyé dans des teintes bleuâtres, tout fut couvert par l'azur, et au milieu de cette énergie de saphir, les yeux de Perséphone étincellaient. Elle leva les mains vers Lavernne qui fut foudroyée d'un éclair, on entendit comme une musique, un chant, un cri plutôt, c'était indéfinissable ! Mais sons, lumières, et ondulations semblèrent converger vers la Daemon.

Magda avait suivi leur altercation, et elle tenta de garder les yeux grands ouverts devant ce spectacle. Mais, simple humaine, la vue d'une âme pure, sans corps, et flottante, la plongea dans le sommeil : son esprit n'avait pas supporté une telle contemplation, c'était trop de beauté, ou de cruauté, au choix. Elle s'évanouit, tombant à terre, les yeux clos avec douceur.

Et l'âme en question trouva asile dans le corps... de sa nouvelle hôte.

Derrière Perséphone, le sceau se décomposa, pour laisser la tombe libre d'accès, et il partit en fumée pour retrouver sa consistance dans l'une des mains entrouvertes de Magda, toujours endormie.

La désse commençait à se fondre à un nuage sans consistance, elle disparaissait...

Lavernne n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Du moins, elle comprit simplement qu'elle avait été trop loin et que Perséphone se vengeait. Elle avait été insultante, elle le savait. Lorsque la déesse s'éleva dans les airs, elle commença seulement à regreter ses paroles. Mais elle restait perplexe face à Perséphone, ne sachant pas ce qu'elle lui préparait. Elle avait décroisé les bras, et fixait la déesse d'un air circonspect, les sourcils froncés et les lèvres en une moue de parfaite interrogation dubitative. Chaque parole qu'elle prononçait renforçait son impression que ça allait chauffer pour son arrière train...

Et elle aurait mille fois préféré être battue à mort que ça... Elle fut violemment projetée en arrière lorsque la magie de Perséphone la percuta. Pendant un instant, elle eut le souffle coupé. Ses yeux s'aggrandirent de surprise. Et cette fois-ci, il s'agissait d'une réelle surprise... une surprise horrifiée...

Elle resta allongée sur le sol pendant de longues minutes. Sa poitrine se soulevait rapidement alors qu'elle essayait de reprendre son souffle. Mais quelque chose lui enserrait la poitrine. Pourtant jamais son coeur n'avait battu, il était mort dès sa naissance... Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Ce sentiment d'oppression s'intensifiait, elle avait l'impression que tout son être était en feu. Lentement, elle se redressa sur ses coudes, haletant encore fortement. Elle se mit sur ses genoux, incapable de tenir sur ses jambes. C'était comme si sa tête était enserrée dans un étau. La douleur était insupportable. Jamais elle n'avait éprouvé une telle douleur...

Elle leva les yeux vers la déesse et comprit soudain : une âme. Perséphone venait de lui donner... une âme... Cette sensation inconnue... C'était le poids du remord, de la culpabilité... Mais elle ne pouvait mettre de mots sur ce qu'elle ressentait. Elle n'avait jamais éprouvé cela... Elle était née sans âme, jamais elle n'avait su ce que cela pouvait être de se retrouver face à un cas de conscience, face à des sentiments purs...

Elle se prit la tête dans la main. Elle avait l'impression que des centaines de cris s'y repercutaient à l'en rendre folle. Des suppliques, des cris de douleurs, des pleurs... Les visages de ses victimes défilaient devant ses yeux. Elle comprenait la souffrance dans leurs regards, la panique et la supplication... Pitié, pitié... Ils avaient tous ce mot là à la bouche...

" Par pitié... "

Et à présent, il était dans la sienne...

" Qu'est-ce que vous m'avez fait ?? Arrêtez ça ! " hurla t elle.

La douleur des remords l'envahissaient et menaçaient de faire céder sa cage thoracique. Jamais elle n'avait senti cette sensation de réelle perdition. Cette âme était une torture... Elle serra plus fort ses mains contre ses tempes, espérant que les cris cessent. Et à ses genoux, un petit cercle de poussière fut dessiné par une goutte d'eau salé...

Pour la première fois de son existence, Lavernne pleurait...

Maxias avait tout suivit, impuissant - Il déteste ça, en plus -

Lorsque Perséphone fut partie, il remarqua que le Sceau avait également disparu, par contre, quelqu'un avait gagné quelque chose ...

N'ayant pas l'intention de faillir à ses devoirs, il siffla et de nouvelles créatures vertes et végétales se dirigèrent, sur son commandement, vers la tombe pour y prélever le minerai désiré par son Maître ... Pendant ce temps, sans pour autant se tourner vers Lavernne dont il n'avait pas encore remarqué qu'elle pleurait, il réfléchit à ce qu'il devait faire ...

Maxias était un Daemon, un être sans coeur. S'il leur est possible, en général, de simuler la plupart des émotions primaires comme la joie, la haine, la colère, voire, pour Maxias, la Jalousie, avoir de la tristesse pour autrui et être animé d'un désir de le consoler, ça, même de son "vivant", Maxias ne l'avait jamais ressentit.

"Pitié ? Navré mais nous ne sommes pas nés avec ..." répondit-il à la première phrase de Lavernne tandis qu'il allait donner un leger coup de pied au corps inerte de Magda pour vérifier son état ...

Finalement, il se tourna vers sa comparse et ce qu'il vit le dégouta au plus haut point ... Elle, pour qui, malgré ses ironies, ses blagues, et ses piques provoquante, il avait (dans la mesure du possible) du respect, venait de briser toute crédibilité. Il était impensable qu'un Daemon puisse à nouveau verser des larmes après sa "naissance" ... Excepté Xelyos peut-etre, mais bon, ça c'est une autre histoire ...

Maxias s'approcha de Lavernne. Il ne savait trop quoi dire puisque la scène le faisait grimacer à un point tel qu'on n'aurait pu être plus équivoque.

"Relève toi ... On rentre !"

Les créatures végétales revenaient déjà avec des minérai compacktés en blocs par des lianes solides. Elles se dirigeaient toutes vers un couloir d'ombre que Maxias avait ouvert ...

Lavernne leva les yeux vers Maxias. Jamais son visage ne s'était teint d'un air aussi desespéré. Qu'elle ait une âme ne changeait pas vraiment son fond : elle était et resterait sans doute quelqu'un de vil et de fourbe. Ce qui l'effrayait le plus, c'était la mort qu'elle avait semé au vent, comme on sème avec plaisir une graine pour qu'y pousse la plus belle plante. L'effroi et l'angoisse étaient une chose ; elle avait toujours aimé la beauté d'un visage transcendé par la peur. La mort n'était qu'une fatalité, inévitable pour elle. Les gens mourraient tous un jour, de toute façon. Elle ne faisait qu'accelerer la venue d'une fin indubitable. Tout du moins, c'était toujours ce qu'elle s'était dit...

Mais à présent, elle ressentait l'horreur d'une vie fragile qui se sent menacée. La peur et l'angoisse sont des sentiments fugaces. Une fois dépassés, une fois que l'on a pris du recul, ce ne sont plus que des souvenirs. Mais la mort est irrévocable. Elle s'était permise de rendre un châtiment qui ne possédait pas de ticket retour. Le temps ne faisait rien contre ça. C'était cette prise de conscience qui lui était soudain si douloureuse. Elle ressentait d'ailleurs elle-même la peur... La peur que son existence finisse un jour... Elle s'était crue intouchable, elle se trompait. Elle constatait à ce moment-là à quel point le cours de l'existence pouvait prendre des cours inattendus en très peu de temps...

Lorsque Maxias lui ordonna de se lever, qu'ils rentraient, elle prit un air ahuri, comme si la réponse à cette question n'était pas évidente :

" Où ça ? " demanda t elle.

Son esprit était toujours saturé de cris et d'images. Elle avait du mal à revenir à la réalité. Ce trop plein de sentiments lui donnait l'impression de mourir, d'agoniser à petit feu. Comme lorsque l'on mouille une éponge jusqu'à saturation, elle finit par ne plus accepter le trop plein d'eau. Lavernne n'arrivait même plus à réfléchir et à faire du tri dans ses idées.

Puis soudain, l'ordre de Maxias éveilla quelque chose en elle. Ils rentraient... Cela signifiait obéir à Dragon à nouveau, cela signifierait sans doute tuer à nouveau... Elle fut prise de panique. Elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas ! C'était de trop...

Elle se leva alors d'un bond et fixa Maxias d'un regard dur et déterminé. Pendant l'espace d'un instant, on aurait pu croire que Lavernne était de retour. Mais il s'agissait juste d'une détermination à ne plus retourner à la Citadelle. A ne plus commettre de nouveaux crimes... Des cris, encore des cris... C'était insupportable, elle en avait la nausée... Si elle retournait auprès des autres Daemons, si elle refusait d'obéir, qu'allait-on penser d'elle ? Elle avait honte... elle ressentait la honte et son orgueil blessé... Quoi ? Elle était vexée ? Elle n'avait pourtant jamais rien pris pour elle, tout jeté ! Mais elle ressentait à ce moment-là un réel sentiment d'humiliation...

" Non, je ne rentre pas... " finit elle par dire.

Et sans un mot de plus, elle tourna les talons et s'enfuit dans la pénombre du cimetière. Elle fuyait, elle ne savait pas où mais elle ne voulait surtout par recroiser le chemin d'un autre Daemon...

Maxias n'avait strictement rien compris à la situation et n'avait pu que regarder sa comparse fuir ...

Non seulement il ne comprenait pas la situation, mais encore le sens des paroles de Lavernne lui semblaient improblables: elle ne rentre pas ? Qu'est ce que cela signifie ? Qu'elle va contrevenir aux ordres de Dragon ? S'opposer à celui qui a droit de vie et de mort sur les Daemons ? Si c'était vraiment le cas, Maxias devait agir avant que Dragon ne se rende compte de la situation ...

Il envoya les créatures végétales directement à la Citadelle, espérant que le simple fait de recevoir son minerai occuperait le Maître, suffisamment longtemps que pour permettre à Maxias de regler la situation ... Il ne comprenait rien certes, mais il sentait pour Lavernne une sorte de ... oserais-je le dire ... sentiment ? En tout cas, quelque chose en lui l'empechait de rester indifférent à cela, et ce quelque chose le poussa à agir, ne pouvant se containdre de la regarder creuser sa tombe ainsi ...

Dés qu'il eut refermé le passage derrière ses serviteurs, il se mit à courir sur les traces de Lavernne, espérant la retrouver rapidement ...


Malheureusement, comme toute histoire se doit de tourner en tragédie par moment, une ombre était perchée sur un arbre, lui donnant pleine vision des évenements qui s'étaient déroulés dans le cimetière ... Le jeune homme remit une mèche argentée derrière son oreille tandis qu'un sourire fortement interessé apparut sur son visage ... Après quoi, il disparut dans les Ténèbres, cette ombre signifiant le début des ennuis pour Maxias et pour Lavernne ...